Discours sur l’état de l’Union 2025 : un discours majeur pour l’unité européenne

Le 10 septembre 2025, Ursula von der Leyen a prononcé à Strasbourg son cinquième discours sur l’état de l’Union 2025 (SOTEU 2025), le premier de son second mandat à la tête de la Commission européenne. Pendant 90 minutes, la présidente s’est exprimée devant les eurodéputés, le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission dans trois langues — anglais, français et allemand — avec traduction simultanée dans les 24 langues officielles de l’Union européenne.

Institué en 2010 par le traité de Lisbonne, le SOTEU est devenu un rendez-vous incontournable de la rentrée politique européenne. Il permet de dresser le bilan annuel et de présenter les priorités européennes 2025 tout en ouvrant le débat avec les représentants de tous les groupes parlementaires.

Le discours 2025 s’inscrit dans un contexte international particulièrement tendu : guerre en Ukraine, recomposition des alliances géopolitiques, tensions commerciales mondiales et défis démocratiques internes à l’Union. Face à cette situation, von der Leyen a placé son intervention sous le signe de l’unité européenne, en présentant une série d’initiatives pour construire une Europe plus forte, plus sûre et plus prospère, conformément aux réformes européennes en cours.

Plusieurs sujets ont été abordés — sécurité et défense européenne, élargissement, transition écologique Europe et innovation et numérique UE, migration et catastrophes naturelles — mais trois thématiques principales ressortent : le soutien à l’Ukraine, les relations transatlantiques et la protection de la démocratie face à la désinformation UE et aux réseaux sociaux.

 

Le soutien de l’Europe à l’Ukraine au cœur du discours

L’un des moments les plus forts du SOTEU 2025 a été consacré à la guerre en Ukraine et à la défense européenne. Ursula von der Leyen a raconté l’histoire de Sasha, un garçon enlevé par les forces russes, et de sa grand-mère Liudmyla, qui l’a ramené en Ukraine. Tous deux étaient présents dans l’hémicycle, symbolisant la résilience du peuple ukrainien et la solidarité européenne.

La présidente a annoncé l’organisation d’un sommet de la coalition internationale Ukraine pour le retour des enfants ukrainiens déportés. « Tous les enfants ukrainiens enlevés doivent être rendus ! » a-t-elle martelé, rappelant que la liberté de l’Ukraine est aussi la liberté de l’Europe.

Une guerre qui s’intensifie, une Europe solidaire

Von der Leyen a dénoncé les attaques russes :

  • tirs massifs de missiles et de drones,
  • bombardements meurtriers à Donetsk contre des civils,
  • violation de l’espace aérien polonais par des drones russes survenue la nuit précédant son discours.

Elle a réaffirmé la solidarité totale de l’Union avec la Pologne et insisté sur la nécessité d’une Europe unie et crédible en matière de défense.

 

Nouvelles sanctions et financements innovants

Un 19ᵉ paquet de sanctions est en préparation, avec pour priorités :

  • mettre fin plus rapidement aux importations de combustibles fossiles russes,
  • lutter contre la flotte fantôme qui contourne les sanctions,
  • surveiller davantage les échanges via des pays tiers.

Concernant le financement du soutien à l’Ukraine, Von der Leyen a proposé d’utiliser les revenus générés par les avoirs russes gelés pour accorder à Kiev un prêt de réparation. « On ne touchera pas aux actifs eux-mêmes », a-t-elle précisé, ajoutant que l’Ukraine ne remboursera ce prêt qu’une fois que la Russie aura payé les dommages de guerre.

Un “avantage militaire qualitatif”

Pour permettre à l’Ukraine de conserver son avance technologique face à l’armée russe, la Commission lancera un nouveau programme baptisé “Avantage militaire qualitatif” (Qualitative Military Edge). Il soutiendra les investissements dans les capacités militaires ukrainiennes, notamment dans le domaine des drones.

Von der Leyen a rappelé que si l’Ukraine n’avait aucun drone avant la guerre, ces appareils causent désormais plus des deux tiers des pertes d’équipements russes. Une alliance européenne des drones sera mise en place pour transformer cette ingéniosité ukrainienne en production industrielle de masse, avec un soutien financier supplémentaire de 6 milliards d’euros.

Vers une Europe de la défense

La présidente a élargi son propos à la sécurité du continent : même si la guerre devait cesser, l’économie de guerre russe se poursuivra. L’Europe doit donc investir dans sa propre défense, complémentaire à l’OTAN mais dotée de moyens stratégiques indépendants.

Parmi les projets annoncés :

  • le plan “Préparation à l’horizon 2030”, mobilisant jusqu’à 800 milliards d’euros d’investissements,
  • le programme SAFE, doté de 150 milliards d’euros pour des achats communs,
  • le renforcement du flanc oriental de l’Europe, de la Baltique à la mer Noire, grâce à l’initiative Eastern Flank Watch,
  • la mise en place d’une surveillance spatiale en temps réel et la construction d’un mur de drones Europe de l’Est.

Un message ferme conclut ce chapitre : « L’Europe défendra chaque centimètre carré de son territoire. »

 

Des relations transatlantiques sous haute surveillance 

Après avoir consacré une large partie de son discours à la guerre en Ukraine et à la défense, Ursula von der Leyen s’est tournée vers un autre pilier essentiel pour l’Union : ses relations avec les États-Unis. L’accord commercial conclu fin juillet 2025 avec Washington a marqué un tournant et suscité de nombreux commentaires au Parlement européen, certains très critiques.

Un partenariat économique vital

Von der Leyen a rappelé : « Nos relations commerciales avec les États-Unis sont nos relations les plus importantes. Nous exportons plus de 500 milliards d’euros de biens vers ce pays chaque année. Des millions d’emplois en dépendent. »

Le partenariat transatlantique reste la relation bilatérale la plus importante au monde : en 2024, le commerce de biens et services entre l’Union européenne et les États-Unis a atteint 1 600 milliards d’euros, soit plus de 4,2 milliards d’euros échangés chaque jour. Les investissements croisés atteignent 5 300 milliards d’euros. Ces chiffres montrent à quel point les économies sont intégrées, avec des chaînes de valeur fortement imbriquées et de nombreuses PME européennes dépendant directement du marché américain.

Un accord controversé mais stabilisateur

L’accord conclu le 27 juillet 2025 fixe un plafond global de 15 % pour les droits de douane américains sur les marchandises européennes. Von der Leyen a défendu ce compromis : « En tant que présidente de la Commission, je ne jouerai jamais avec l’emploi ou les moyens de subsistance des citoyens. »

Ce plafond s’applique à la majorité des exportations de l’UE, notamment dans les secteurs stratégiques : automobile, aéronautique, produits pharmaceutiques. L’accord n’élimine pas les droits de douane mais offre une prévisibilité bienvenue et garantit un avantage relatif aux entreprises européennes.

Contenu détaillé de l’accord

  • Plafond de 15 % sur la quasi-totalité des exportations européennes, y compris les automobiles (taux pouvant atteindre 25 % auparavant).
  • Allègement immédiat des droits sur certains produits stratégiques : aéronefs, pièces industrielles, médicaments génériques.
  • Protection des secteurs sensibles : acier, aluminium, cuivre.
  • Économies annuelles estimées à 5 milliards d’euros pour importateurs et consommateurs européens.
  • Ouverture limitée du marché européen aux exportations agricoles américaines non sensibles pour un volume de 7,5 milliards d’euros.
  • Accès garanti aux sources d’énergie américaines : 700 milliards d’euros en gaz naturel liquéfié, pétrole et nucléaire sur trois ans, et 40 milliards d’euros de puces d’IA.

Une Europe qui garde son autonomie

Von der Leyen a souligné : « Qu’il s’agisse de la réglementation environnementale ou numérique, nous fixons nos propres normes. L’Europe décidera toujours par elle-même. » Ce message vise à rassurer sur la souveraineté réglementaire de l’Union. L’agriculture sensible, notamment la viande bovine et la volaille, reste protégée.

Un choix stratégique face aux rivalités mondiales

Dans son discours, la présidente a replacé l’accord dans un contexte géopolitique plus large : l’évolution rapide du paysage mondial, la Chine qui se rapproche de la Russie et de la Corée du Nord, et la nécessité pour l’Europe de diversifier ses partenariats commerciaux. Des négociations avancent déjà avec le Mexique, le Mercosur et l’Inde. Ces efforts s’inscrivent dans la stratégie européenne post-pandémie, visant à renforcer les chaînes d’approvisionnement et offrir aux entreprises européennes de nouvelles opportunités.

Un équilibre entre stabilité et indépendance

En conclusion, Ursula von der Leyen a rappelé que l’Europe doit rester un acteur indépendant, capable de choisir ses règles et de construire sa sécurité économique européenne sur une base élargie.

 

Liberté de la presse, désinformation et réseaux sociaux

Après avoir insisté sur la défense et les relations transatlantiques, Ursula von der Leyen a replacé son discours sous le signe des libertés fondamentales, notamment la liberté de voter, de s’exprimer et de s’informer.

Un enjeu central pour l’indépendance européenne

La montée de la désinformation menace la confiance des citoyens et la démocratie. La Commission propose la création d’un Centre européen pour la résilience démocratique pour surveiller, détecter et contrer les manipulations de l’information. Cette initiative complète le travail des Décodeurs de l’Europe.

Soutenir les médias indépendants et combler les « déserts d’information »

Von der Leyen a mis en garde contre la disparition des journaux locaux et des médias traditionnels, créant de véritables déserts d’information. Le programme de résilience médiatique soutiendra :

  • le journalisme indépendant,
  • l’éducation aux médias,
  • l’investissement dans les médias locaux,
  • le financement européen pour la presse.

Les médias sociaux : une liberté qui peut devenir une vulnérabilité

Les réseaux sociaux exposent les enfants à des dangers : harcèlement en ligne, contenus pour adultes, promotion de l’automutilation et dépendance aux algorithmes. Von der Leyen propose une limitation d’âge pour protéger les jeunes, à l’image des restrictions existant pour l’alcool ou le tabac.

Vers une Europe protectrice de ses citoyens et de sa démocratie

La lutte contre la désinformation et la régulation des médias sociaux s’inscrivent dans un objectif plus large : protéger les citoyens et défendre la démocratie. En plaçant la presse libre et la sécurité numérique au cœur du discours, Ursula von der Leyen a montré que l’indépendance de l’Europe repose aussi sur la protection de l’espace public, au-delà de la sécurité et défense européenne et du budget de l’UE.

 

En conclusion, le SOTEU 2025 a confirmé la volonté d’Ursula von der Leyen de faire de son second mandat un temps de consolidation pour l’Union européenne. Défendre l’Europe sur la scène internationale, préserver ses intérêts commerciaux via le partenariat transatlantique, investir dans la défense européenne, soutenir l’Ukraine et renforcer la démocratie grâce à la presse libre et à la lutte contre la désinformation UE : telles sont les priorités mises en avant.

Le discours sur l’État de l’Union 2025 constitue un appel à l’unité, face à des crises multiples, et marque une étape décisive pour préparer l’Union aux défis sécuritaires, économiques et démocratiques des années à venir.

 

 

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