Des pelmieni
à s’en gaver !
Notre chemin nous a mené vers
Cracovie (dans un bus WIFI gratuit, si si !!). Surtout connue pour sa vieille ville, Cracovie avait été une de mes étapes sur le chemin retour de la Roumanie… du coup, nous ne sommes pas allés sur les étapes touristiques et avons préféré ne pas visiter Auschwitz en plein été. Vision corroborée par un jeune touriste, qui nous a confirmé combien les jeunes touristes estivaux sont irrespectueux de l’histoire et de la mémoire. Les camps sont bel et bien devenus un objet touristique parmi d’autres… Des formules sont proposées à très bon marché dans toutes les auberges de jeunesse. Troublant et si différent de ce que j’y ai vécu voici cinq ans quand je visitais ce site sous la neige dans une ambiance pesante. La ville est belle mais il est définitivement plus adapté de s’y promener en plein hiver. Les foules se pressent trop dans ce petit musée de plein air et un tourisme étrange, fondé sur l’alcool bon marché se développe… Faire la fête est une chose, ne voir d’une ville que ses bars et ses excès en est une autre… Le phénomène n’est certes pas nouveau, mais des magasins ‘ALCOOL 24H’ ont ouvert un peu partout, présageant de l’état dans lequel certains peuvent finir… tant et si bien que nous avons passé une nuit atroce grâce à un groupe de jeunes anglais, dont un a passé la nuit à vomir dans son lit… qui était juste en-dessous du mien !
Néanmoins, cela ne nous a pas empêché de profiter de la ville. Outre une belle visite de la vieille ville, une orgie de pelmieni (ces délicieux raviolis fourrés à la viande ou aux pommes de terre qu’on mange tout le temps!), un chouette concert de jazz, nous avons également découvert le fascinant musée de la Fondation Schindler (sur ce personnage réel, qui inspira le film de Spielberg). Côté projet, nous avons rapidement identifié un quartier très intéressant, souvent méconnu de Cracovie :
Nowa Huta. Identifié par l’URSS pour accueillir une nouvelle usine métallurgique, le quartier était en fait pendant longtemps une autre ville, indépendante de Cracovie. Profitant de la position idéale de NH (comme l’appellent volontiers les locaux), près de la Vistule, près de Cracovie et dotée d’un sous-sol très intéressant, les soviétiques y virent une opportunité de développer ici une ville nouvelle…Nowa Huta devait ainsi devenir la vitrine du communisme en Pologne et devint pourtant l’une des plus réfractaires au régime de toute la Pologne ! Les historiens évoquent ainsi le paradoxe Nowa Huta.
Nos recherches nous ont permis de visiter le musée présentant l’histoire du quartier et d’y découvrir un excellent film (que nous allons peut-être présenter à d’Est en Est 2012) sur cette ville de plus de 200 000 habitants. Critiquée par les ouvriers en opposition au régime à Gdansk, elle est vite devenue un des autres bastions de la résistance active contre le pouvoir établi… parvenant même à faire exploser les jambes de l’immense statue de Lénine posée au centre de la place, contre la volonté de la population locale !
Bref, un vent de révolte a toujours parcouru les rues de Nowa Huta. Alors que le communisme tombait, la ville du faire face à de terribles taux de chômage et à une hausse sans précédents de l’insécurité. Ce qui explique sans doute pourquoi l’arrivée d’Arcelor Mittal comme repreneur de cette industrie fut accueillie comme une félicité ! De cette histoire mouvementée, la ville-quartier jouit aujourd’hui d’une identité très forte, propice à l’émergence de projets innovants et hors cadre.
C’est ainsi que nous sommes allés frapper à la porte du centre culturel OKN (Osrodek Kultury im CK. Norwida), où nous avons été très agréablement reçus par
Malgoreta Hajto, qui partait pourtant le soir même en vacances. Plusieurs contacts en main et la possibilité de rencontrer un des acteurs du changement, nous repartons satisfaits ! Un samedi matin aux aurores nous voilà donc partis à la rencontre de
Kuba Bladek.
Chouette moment, qui, d’une heure trente se termine finalement au bout de quatre ! Il nous explique longuement les différents mouvements dans lesquels il s’est impliqué, dans le but d’inciter la municipalité à mieux soutenir des mouvements culturels sur d’autres quartiers que la vieille ville. Plusieurs projets ont ainsi été développés avec
le groupe NHP (Nowa Huta Project), constitué de plusieurs copains autour de Kuba. Le tout a démarré autour du Swit Festival et d’un cinéma de quartier que la bande de joyeux lurons a souhaité faire vivre pour et par le quartier. Les choses sont allées très vite ; trop vite… si bien que le festival n’a duré que le temps d’une simple édition. Les jeunes prodiges n’avaient pas dit leur dernier mot. Plusieurs autres projets ont émergé, notamment des sites Internet communautaires sur le quartier. Mais nous y revenons très vite dans un article spécial sur Nowa Huta car le quartier vaut décidément plus qu’une simple anecdote dans les guides touristiques !
En plus, partis en vélo pour mieux découvrir les différentes structures du quartier, nous avons également pu tester les pistes cyclables locales… et le vélo est réellement en train de se faire une place en Pologne (pour notre plus grand bonheur!).
Les choses ont été un peu moins faciles à
Warsawa. Nous avons vraiment beaucoup aimé cette ville… mais il est vraiment difficile d’y déceler de tels projets. Nous sommes passés dans une coopérative d’habitants (JARY) que nous avions repérée, mais personne ne parlait autre chose que polonais! Une matinée épique à courir dans les couloirs avec des gens adorables qui faisaient tout pour nous aider, mais qui ne comprenaient rien de ce qu’on racontait… des coups de fil à des amis, à de la famille qui baragouinait quelques mots d’anglais, un AR au sous-sol chez l’informaticien pour expliquer notre histoire… et on a dû s’avouer vaincus, même si heureux d’avoir vécu un moment aussi solidaire! Du coup, nous avons eu trois belles journées à arpenter la ville et à mieux comprendre l’histoire traumatisante de ce peuple qui n’a joui que si peu de temps de son indépendance. Une visite pleine de découvertes sur des coins d’histoire dont on ne nous a jamais parlé… Le musée de l’Insurrection de Varsovie valait à cet égard largement le coup d’œil… pour mieux comprendre comment ce peuple a lutté seul pendant 2 mois contre les nazis, pour éviter le joug soviétique. Tout voyage en Pologne est vivement marqué par les stigmates de l’histoire. La capitale avait été à 85 % détruite pendant la Seconde. Des efforts énormes ont permis de recréer un vieux centre-ville (désormais au Patrimoine mondial de l’UNESCO), sur le modèle du précédent. Les traces de l’occupation soviétique sont également indélébiles, en atteste le Palais de la Culture ou les quelques avenues sur le modèle stalinien.
Pour mieux découvrir cette ville fascinante (qui comme toutes ces villes marquées par l’histoire saisit le visiteur soit dans l’horreur, soit dans l’attachement), nous avons été chanceux de tomber sur un
nouveau réseau de cartes gratuites réalisées par des jeunes un peu partout en Europe. Ce projet mérite qu’on étudie un peu mieux la question car plusieurs villes peuvent compter sur ces nouveaux guides, sans scrupules et soucieux de partager une vision réelle et non-commerciale de leur ville. Pour les curieux qui prévoient d’aller à Gand, Oslo ou Rotterdam, regardez le lien ci-dessus et n’hésitez pas à en créer une sur votre ville ! Un élan de gratuité et d’information intelligente en ressort !
Le 24 juillet, un bus tout neuf nous attendait pour filer vers Vilnius.
La Pologne nous a fait une grosse impression… L’histoire complexe de ce pays aux frontières de l’Europe Occidentale, Centrale et Orientale en font une étape non seulement pleine de découvertes, mais l’accueil que nous avons reçu, les projets et les personnes que nous avons rencontrés nous ont donné de
l’espoir… Une grande vague d’espoir et l’envie de voir d’autres projets similaires émerger ailleurs à l’Est.
Mazurkis
polonaises
Après l’étape berlinoise, il était difficile d’atterrir dans un pays qui allait nous époustoufler autant en termes de collectifs et de projets innovants, nous en étions conscients. Néanmoins, notre étape polonaise nous a apporté un vent d’est plein d’effervescence, d’espoir et de rencontres.
Le premier stop a été TRES haut en couleurs… mais plutôt sur l’aspect confort et contraste culturel ! Nous avons en effet pris un train pour Görlitz, à la frontière entre l’Allemagne/la République tchèque et la Pologne pour aller retrouver un copain rencontré en Moldavie lors des élections de 2009, Rafal. Bon, le voyage a été des plus étonnants… car bien qu’en Allemagne, nous avons pu constater combien nos stéréotypes sur la ponctualité légendaire et l’organisation parfaite de nos voisins étaient infondés ! Donc, un premier train à Berlin pour Cottbus… qui est parti avec la bagatelle de 20 minutes de retard… tandis que la majorité des trains arrivaient avec 40 minutes de retard. Arrivés à Cottbus, nous avions une correspondance pour Görlitz…malheureusement, celle-ci ne nous avait pas attendu. Cette gare est-européenne, à peine sortie de la guerre froide nous offrait ainsi l’inattendue et non charmante occasion de profiter de cette halte bucolique (de plus de 2 heures) entre un McDo et un traiteur asiatique. Nos choix pouvaient également se porter vers un petit supermarché, où, pour la modique somme de 2 €, nous pouvions nous sustenter d’un roboratif café/saucisse.
Pendant ce temps, Rafal nous attendait tranquillement. Il nous a ramenés chez lui, au fin fond des Sudètes pour mieux découvrir sa maison en construction. Un havre de paix… en plein chantier ! Son projet est un brin fou : il construit sa maison, avec l’aide de 2 personnes… et le tout à la main et en respect des traditions locales (tuiles, torchis). Une maison de 500 m2 dans un terrain vierge qui servira de guesthouse pour les touristes et notamment pour des groupes et séminaires. L’ensemble est un réel challenge, d’autant plus que seul le toit et une bonne partie des murs ont pour l’instant été posés. Après une saucisse au feu de bois, 8°C sous la lune, nous nous endormons dans cette maison en construction, couverts de toutes les fringues que nous avons dans notre sac, de notre sac à viande et de notre duvet. L’utopie n’est pas ici collective, mais le projet est d’ampleur !
Après une deuxième nuit sur place, nous filons sur Wroclaw, une jolie ville, très dynamique à quelques kilomètres de là. Enfin, nous filons, le trajet nous a semblé bien long… en compagnie d’une spéciment particulièrement putréfié ! Wroclaw nous a largement étonnée. La ville sera capitale européenne de la culture en 2016 et de nombreux projets y voient déjà le jour. Quelques contacts avaient déjà été pris avec
Lokietka 5 et l’étonnante Maja Zabokrzycka, malheureusement en vacances à cette période. La structure a été porteuse d’un ambitieux projet de rénovation des arrières-cours (difficile de traduire backyards!) des rues et du quartier dans les rues Dębickiego-Kleczkowską-Trzebnicką, en lien avec les habitants. Le local était fermé et nous attendons quelques retours par mail de Maja. L’étape était tout de même intéressante dans ce quartier car nous avons pu visiter ces arrières-cours et nous en avons également profiter pour rencontrer Ewa et Ana de
CO12, un des tout premiers espaces de coworking créés en Pologne. D’autres existent déjà sur la ville, mais celui-ci a la spécificité de se destiner prioritairement aux créatifs. Les deux acolytes ont découvert le concept en terminant leurs études à Londres. Architectes, elles trouvaient cette forme particulièrement adaptée à leurs métiers. Un appel à projets proposé par la municipalité pour régénérer ce quartier et donner de la visibilité à des projets culturels innovants (en prévision de 2016) leur a permis de donner naissance à ce bel espace, où elles souhaitent organiser régulièrement des événements participatifs, laissant la place pour la coopération avec les autres.
Une bien belle étape pour commencer notre itinéraire polonais, qui conduit ensuite vers Cracovie et Varsovie. Le programme n’a eu de cesse d’évoluer, car nous souhaitions atteindre Gdansk, mais c’était vraiment trop loin. La suite au prochain épisode… et les photos dans la foulée!